Projets de séquestration Vs évitement : quelle est la différence ?

Principale cause du dérèglement climatique, le CO₂ ou dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre posant des défis majeurs. Et pour cause, ce gaz, dont les niveaux ne cessent d’augmenter dans l’atmosphère, exacerbe l’effet de serre naturel, entrainant notamment la hausse des températures et l’augmentation du niveau de la mer.

Dans ce contexte, l’atteinte de la neutralité carbone s’est imposée comme un impératif global, dont l’un des leviers est de réduire drastiquement les émissions de CO₂. Le GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – a alerté dans une synthèse dévoilée par l’ONU Climat en octobre 2024 qu’il est nécessaire de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre (GES)de 43 % d’ici 2030 pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré [1].

De nombreuses pistes sont, d’ailleurs, aujourd’hui envisagées pour réduire ces émissions. Parmi ces solutions, différentes méthodes ont émergé : notamment la séquestration carbone et l’évitement.

Vous découvrirez dans cet article comment ces deux approches qui, bien que distinctes, se révèlent complémentaires pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux.

Qu’est-ce que la séquestration carbone ?

La séquestration est le captage et le stockage de carbone dans des puits de carbone. Ce processus joue un rôle majeur dans la lutte contre le dérèglement climatique en diminuant la concentration de carbone présente dans l’atmosphère et en la stockant sur du long terme.

Ce procédé engendre, par ailleurs, de nombreux co-bénéfices socio-économiques et sanitaires. En effet, les projets de séquestration carbone sont vecteurs de nombreuses retombées telles que la création de nouveaux emplois sur les territoires concernés par ces projets ou encore l’amélioration de la qualité de l’air.

On distingue deux types de méthode pour séquestrer le carbone :

➡️La séquestration naturelle

➡️La séquestration technologique 

Les solutions fondées sur la nature

La séquestration naturelle s’appuie sur des processus physiques et biologiques tels que la photosynthèse. À ce jour, les océans, les forêts et les sols, les mangroves etc. forment nos plus grands puits de carbone.

En effet, la séquestration du carbone peut avoir lieu grâce à l’intervention de différents écosystèmes :

➡️ Les forêts : second puit de carbone au monde et largement plébiscité par les organisations, les forêts ont une grande capacité naturelle d’absorption du carbone. Les forêts emmagasinent 20 à 50 fois plus de CO₂ que n’importe quel autre écosystème terrestre [2] et absorbent d’ordinaire 20 % de nos émissions – hors période d’incendie et de sécheresse intense [3].

➡️ Les sols agricoles : La séquestration du carbone dans les sols est possible à travers une modification des pratiques permettant la restauration des sols : l’agroforesterie, l’agriculture régénératrice avec une gestion du cycle de l’eau, l’utilisation de couverts végétaux ainsi que du compost en sont des exemples.

➡️ Les mangroves : poussant dans la vase des littoraux tropicaux, le palétuvier, disposant d’une croissance rapide, permet de stocker davantage de carbone à la fois dans le sol et dans la matière sèche présente sur terre.

D’autres méthodes telles que l’altération forcée des roches ou le biochar, reconnu par le GIEC comme une solution face au changement climatique, offrent des approches prometteuses. Le biochar, par exemple, présente des capacités d’extraction durable et irréversible du CO₂ de l’atmosphère, mais également, de nombreux co-bénéfices dont l’augmentation de la rétention en eau et en éléments minéraux ainsi que l’épuration des sols.

La séquestration technologique

Fondée sur des techniques de géo-ingénierie, le captage technologique de carbone – aussi appelée CCUS (Carbon Capture, Utilisation and Storage) – consiste à capturer avant qu’il ne se répande, le dioxyde de carbone à le transporter, puis à le stocker dans des formations géologiques adaptées.

Réalisé à proximité des sites industriels, ce procédé peut s’avérer très efficace pour réduire le CO₂. Il permet également d’utiliser le carbone stocké après conversion chimique ou biologique en produits à haute valeur ajoutée, tels que le méthanol.

Reconnue par l’agence internationale de l’énergie (IEA), la capture technologique est une méthode qui pourrait réduire d’environ 10 % les émissions GES mondiales d’ici 2050. Ce procédé a également été salué à l’échelle européenne avec la mise en place du règlement Net-Zero Industry Act (NZIA) faisant du CCUS un levier d’action stratégique, dont l’objectif est de développer une capacité de stockage géologique de CO₂ de 50 millions de tonnes équivalent par an au sein de l’Union Européenne d’ici 2030 [4]. Suivant cette même trajectoire, elle ambitionne de développer la capture de carbone à hauteur de 280 Mt CO2eq en 2040 et 450 Mt CO2eq en 2050 [5].

En France, le Haut Conseil pour le Climat envisage le CCUS comme un moyen de réduire les émissions des industriels. 7 grands hubs ont déjà été identifiés et seront parmi les premiers à bénéficier de cette technologie qui sera déployée progressivement d’ici 2030 à 2050 [5].

D’autres technologies permettent de capturer le CO2 directement dans l’air. Parmi celles-ci, la méthode DAC (Direct Air Capture) s’appuie sur l’extraction du CO₂ de l’atmosphère via l’utilisation d’un solvant liquide ou d’un absorbant solide. Néanmoins, cette technologie reste pour le moment sous-exploitée au vu de son prix élevé.

En juillet 2024, l’Institut mondial du Captage et Stockage du Carbone (CSC) dénombrait un total de 628 projets de CSC, dont 50 sont déjà opérationnels, 44 sont en cours de construction 534 encore en cours de développement. [6]

Bien que coûteuse, la piste technologique reste tout de même à traiter. En effet, ce procédé présente de multiples avantages tels que la possibilité de valoriser le carbone stocké, de le stocker à très long terme, et ne souffre pas des aléas climatiques. En outre, le GIEC a insisté sur le recours à l’utilisation des technologies – en complément des puits de carbone naturels et nos efforts de réduction des émissions – en vue d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris, limitant l’augmentation des températures à 1,5 °C.

L’évitement carbone quésaco ?

L’évitement carbone se fonde sur le principe de ne pas ajouter de nouvelles émissions GES dans l’atmosphère, par rapport à un scénario de référence. Il s’agit d’actions de prévention pour éviter de davantage charger l’atmosphère en carbone. Cela se traduit par la mise en place, à la source, de solutions technologiques ou de pratiques durables permettant de protéger et d’améliorer la résilience des écosystèmes naturels afin de permettre aux puits de carbone de continuer à remplir leur rôle. Plusieurs axes peuvent être initiés sur la chaîne de valeur d’une entreprise tels que l’optimisation des procédés industriels, le recours à des énergies renouvelables ou l’amélioration de la gestion des déchets via le réemploi des matériaux.

En gestion forestière, l’évitement consiste à protéger les forêts des pressions qui pourraient réduire leur capacité à absorber le carbone, maintenir la biodiversité et fournir d’autres services écosystémiques essentiels. Concrètement, il s’agit d‘éviter les dégradations ou les destructions qui aggraveraient les effets du dérèglement climatique en mettant en œuvre des actions telles que l’amélioration des pratiques sylvicoles, la restauration des zones dégradées ou encore la création de zones protégées, tout en offrant des solutions durables aux communautés.

Du point de vue de la biodiversité, les mesures d’évitement ont pour objectif de limiter les impacts négatifs sur l’environnement et les écosystèmes, et protéger ainsi la biodiversité existante. Elles peuvent concerner des choix liés à l’implantation d’un projet en évitant de s’installer sur une zone humide, une pelouse sèche ou aux abords d’une zone dont les espèces sont protégées. Ces mesures peuvent également inclure l’adaptation de travaux en vue de réduire les impacts sur la reproduction ou l’hibernation de certaines espèces.

Séquestration et évitement : deux approches complémentaires ?

Il est essentiel de soutenir à la fois les projets de séquestration et d’évitement. En effet, ce sont deux approches qui se veulent complémentaires en vue de réduire la quantité de carbone présente dans l’atmosphère. Elles doivent d’ailleurs respecter les mêmes standards et sont soumises aux mêmes obligations en matière de crédit carbone.

Selon le référentiel Net Zero Initiative (NZI) développé par Carbone 4, l’évitement et la séquestration sont deux méthodes qui ne vont pas intervenir sur les mêmes piliers. L’évitement interviendra sur les piliers A et B, correspondant à la réduction des émissions, et la séquestration sur le pilier C qui correspond à l’augmentation des puits de carbone. En d’autres termes, elles n’auront pas les mêmes conséquences mais vont agir de manière concomitante : quand la séquestration absorbe et stocke le CO2, l’évitement (ou la réduction) permet de renforcer les puits de carbone et d’éviter d’émettre davantage de CO2 dans l’atmosphère.

➡️Piliers A et B : en agissant sur ces deux piliers, une entreprise parvient à prévenir la prolifération de nouvelles émissions de gaz à effet de serre (GES), tant directes (Scope 1 et 2) qu’indirectes (Scope 3), tout au long de sa chaîne de valeur. L’entreprise peut ainsi intervenir directement au sein de cette chaîne en réduisant les émissions liées à ses produits et services, ou bien agir en amont ou en aval en finançant des projets de réduction.

➡️Pilier C : en travaillant sur ce pilier, l’entreprise contribue à l’augmentation des puits de carbone.  L’entreprise agit, soit au sein de sa chaîne de valeur en permettant l’absorption directe ou indirecte d’émissions via les puits de carbone, soit, pour aller plus loin dans ses actions, en dehors en finançant des projets de séquestration.

Chaque pilier est défini par un cadre clair dont les actions complémentaires permettent d’atteindre l’objectif NetZéro à l’échelle planétaire.

Il est donc nécessaire de travailler sur l’ensemble de ces piliers si l’on souhaite réduire et rester sur une trajectoire de hausse des températures à 1,5°C et éviter un réchauffement à 4°C, comme le prévoit le troisième plan national d’adaptation au changement climatique.

Aller plus loin : Net Zero émissions : les 3 piliers de la Net Zero Initiative

Comment mesurer un projet d’évitement et de séquestration carbone ?

De multiples méthodologies existent pour mesurer un projet d’évitement et de séquestration carbone. Ces méthodes s’appuient sur différents modèles de calcul qui diffèrent en fonction du projet réalisé et des leviers mis en place. Par exemple, un projet d’évitement dans le bâtiment ne stockera pas la même quantité de carbone qu’un projet de séquestration en forêt, dans des sols agricoles ou dans une mangrove. Dans le secteur agricole, on parlera de stockage additionnel. Il s’agit de la variation du potentiel de stockage d’un même sol, résultant de la mise en œuvre de la pratique de référence A comparée à la pratique de référence B [7].

La mesure d’un projet d’évitement et de séquestration est réalisée en fonction d’un scénario de référence et des conditions pédoclimatiques, et est susceptible de varier à la hausse comme à la baisse. En effet, certaines simulations peuvent ne pas prendre en compte certains facteurs dont les épisodes climatiques non-prévisibles ou tout événement exogène. Ces calculs s’appuyant généralement sur la pérennité des pratiques.

Cependant quelques étapes doivent être respectées pour mesurer un projet :

1️⃣Etablissement d’un scénario de référence : pour mesurer un projet de séquestration ou d’évitement du carbone, il est nécessaire de déterminer un scénario de référence qui permet de comparer les émissions réelles du projet avec celles qui auraient eu lieu en l’absence du projet.

2️⃣Mise en place de méthodologies et normes : il existe actuellement diverses méthodologies avec de hauts niveaux d’exigences, en fonction de la nature du projet. Pour les projets de séquestration, il est par exemple possible de se tourner, par exemple, vers le protocole VCS (Verified Carbon Standard), et le Label bas-carbone en France. Pour les projets d’évitement, il existe le label Gold Standard.

3️⃣Suivi et validation des émissions de carbone : les projets sont suivis et validés tout au long de leur durée. Le suivi implique une mesure régulière des émissions évitées ou du carbone séquestré, en tenant compte du taux de croissance des arbres, des rendements agricoles, des dispositifs de stockage géologique du carbone et des technologies d’énergie renouvelable.

4️⃣Quantification de l’évitement ou de la séquestration : les réductions d’émissions ou la séquestration de carbone sont calculées à partir des différences entre les émissions observées dans le projet et les émissions attendues dans le scénario de référence. Ces calculs prennent en compte des facteurs tels que la durée du projet et les pertes éventuelles (feux de forêt, les maladies ou autres facteurs qui pourraient réduire l’efficacité du projet).

5️⃣Rapport et vérification : une fois le projet mis en œuvre et les données collectées, un rapport est rédigé pour vérifier les résultats du projet. Un audit externe a donc lieu pour garantir que les réductions d’émissions ou la séquestration ont bien eu lieu conformément aux standards internationaux. Les labels sont utilisés pour garantir la bonne mise en place du projet, son impact et ses co-bénéfices.

Intégrer un projet de séquestration et d’évitement dans votre stratégie de décarbonation avec Oklima

Dans le cadre d’une stratégie de décarbonation efficace, il est nécessaire de développer une approche complémentaire et de s’appuyer non seulement sur des mesures de réduction mais aussi sur ces deux leviers d’action.

Il existe de nombreux projets vers lesquels se tourner pour éviter et séquestrer. Il est, d’ailleurs, essentiel de réaliser un état des lieux de sa chaîne de valeur afin d’identifier les leviers d’action à mettre en place, mais il est également nécessaire d’aller plus loin dans l’action et de séquestrer des émissions GES au-delà de sa propre chaine de valeur. Sans quoi, il ne sera pas possible d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.

Pour cela, Oklima peut vous accompagner dans le choix de projets faisant sens pour votre entreprise : en lien avec votre chaine de valeur, locaux et proches de vos convictions. De l’identification à la mise en œuvre de ceux-ci. Nos équipes pourront vous guider au mieux dans cette démarche engagée.

Ressources

Projets de séquestration Vs évitement : quelle est la différence ?

Principale cause du dérèglement climatique, le CO₂ ou dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre posant des défis majeurs. Et pour cause, ce gaz, dont les niveaux ne cessent d’augmenter dans l’atmosphère, exacerbe l’effet de serre naturel, entrainant notamment la hausse des températures et l’augmentation du niveau de la mer.

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Notes de référence

[1] Nations Unies : Un nouveau rapport de l’ONU Climat montre que les plans d’action climatique nationaux « sont loin de répondre aux besoins »

[2] WWF : Comprendre l’impact de la forêt sur le climat

[3] La Croix : Climat : quand les forêts ne parviennent plus à absorber les émissions humaines de CO2

[4] Ministère de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques  : Capture, utilisation et stockage du carbone 

[5] Ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie : État des lieux et perspectives de déploiement du CCUS en France

[6]  Global CCS Institute : Global Status of CCS 2024

[7]  INRAE: Stocker du carbone dans les sols français 

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