Le Label Bas-Carbone : un levier pour l’emploi rural et la filière forestière

La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un objectif inscrit dans la loi Énergie-Climat et décliné à travers sa Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC)1. Pour y parvenir, les territoires ruraux et forestiers deviennent des acteurs essentiels de la transition écologique, en misant notamment sur la séquestration du CO₂. Depuis 2018, le Label Bas-Carbone (LBC) accompagne cette transformation en finançant, via des crédits carbone, des projets locaux de réduction et de stockage des émissions.
Parmi les bénéficiaires clés, les Entreprises de Travaux Forestiers (ETF) assurent la gestion durable des forêts et contribuent à l’économie locale, tout en préservant la santé des écosystèmes. Mais une question demeure : ce dispositif peut-il réellement concilier neutralité carbone à l’horizon 2050 et revitalisation durable des zones rurales ?

Le Label Bas-Carbone : un outil national pour des projets locaux

Créé par l’État français en 2018, le Label Bas-Carbone (LBC) est un dispositif volontaire de certification qui permet de financer des projets de réduction ou de séquestration d’émissions de CO₂ sur le territoire national. Son objectif est double :

  • Accélérer la transition climatique à l’échelle locale.

  • Orienter les financements privés vers des projets réellement bénéfiques pour le climat et les territoires.

Concrètement, un projet labellisé génère des crédits carbone, équivalents aux tonnes de CO₂ évitées ou stockées, que des entreprises ou des collectivités peuvent acheter dans le cadre de leur stratégie climat (hors obligations réglementaires).

Le LBC repose sur des méthodes sectorielles validées (comme le boisement ou la reconstitution de forêts dégradées) et un principe fondamental : l’additionnalité. Autrement dit, un projet ne peut être labellisé que s’il démontre qu’il n’aurait pas pu voir le jour sans ce soutien financier.

Dans le secteur forestier, plusieurs types de projets sont aujourd’hui éligibles : plantation de nouveaux massifs, reconstitution après sinistre, conversion de taillis en futaie ou encore gestion à stock continu.

Le Label se distingue aussi par son ancrage strictement français. Les projets sont portés localement, instruits par les DREAL (Directions Régionales de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), puis vérifiés par des auditeurs indépendants. Ce circuit court de gouvernance garantit que les bénéfices sociaux, économiques et environnementaux restent ancrés dans les territoires concernés.

👉 Article à lire en complément : Tout ce qu’il faut savoir sur le Label bas-carbone en agriculture

Le contexte : la transition bas-carbone dans les territoires ruraux

La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 grâce à la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC)1. Ce plan fixe des budgets carbone sectoriels et mise fortement sur les puits naturels, en particulier les forêts et les terres agricoles, pour absorber les émissions résiduelles.

Dans ce contexte, le Label Bas-Carbone (LBC)2 s’impose comme un outil clé. Il permet de certifier des projets de réduction ou de séquestration de CO₂, de les financer grâce à des crédits carbone et de garantir que les bénéfices restent en France. Le LBC privilégie une logique de proximité et de territorialisation : les financements générés par les entreprises et institutions françaises soutiennent directement les zones rurales.

Les projets labellisés concernent principalement :

  • le boisement de nouvelles parcelles ;
  • la reconstitution de forêts dégradées par tempêtes, incendies ou dépérissements ;
  • la conversion de taillis en futaie, plus résiliente et durable ;
  • ou encore la gestion forestière à stock continu, une méthode émergente qui maintient les puits de carbone à long terme.

Avec plus de 1 600 projets validés 3 en 2025, le LBC s’affirme comme un pilier de la stratégie bas-carbone nationale, tout en ayant un fort ancrage local.

Les ETF : un maillon essentiel de la filière forestière

Les Entreprises de Travaux Forestiers (ETF) sont au cœur de la filière forêt-bois. En 2020, il y avait environ 6 900 ETF opérant en France, avec un effectif moyen de 1,2 personne par entreprise. 49 % des ETF ont moins de 1 ETP et 67 % en ont moins de 2 ETP (source : 1630 Conseil). Elles assurent 80 % des travaux de récolte (abattage, débardage) et 70 % des travaux de sylviculture (plantation, reboisement, entretien) 4,5.

Leur rôle dépasse la simple exploitation. En effet, les ETF :

  • participent à la gestion durable des forêts ;
  • garantissent la séquestration carbone ;
  • soutiennent la production de bois, indispensable pour la construction et l’énergie ;
  • contribuent à l’entretien paysager des territoires ruraux.

Pourtant, malgré leur importance stratégique, les ETF restent fragiles. Leur part dans la valeur ajoutée de la filière n’est que de 1,7 %, ce qui se traduit par des marges faibles et une précarisation du secteur. Près de 60 % des dirigeants estiment que les prix de marché ne permettent pas d’assurer la pérennité de leur activité 4,8.

À cela s’ajoutent :

  • un manque de reconnaissance auprès du grand public, qui associe encore exploitation forestière et destruction ;
  • une pression économique intense due à la concurrence et aux faibles rémunérations ;
  • des difficultés de recrutement et une pénibilité du travail qui découragent les nouvelles générations.

Cette fragilité est susceptible d’avoir un impact sur la capacité de la France à progresser pleinement vers ses objectifs climatiques.Sans ETF solides, impossible de gérer durablement les forêts et de renforcer les puits de carbone.

Le LBC comme levier de soutien aux ETF locales

Le Label Bas-Carbone représente une source de financement complémentaire non négligeable pour les ETF. En certifiant et valorisant leurs projets, il permet de mobiliser des financements privés volontaires.

Le prix moyen d’un crédit carbone LBC est d’environ 35 € la tonne de CO₂, soit quatre fois plus que sur les marchés internationaux 5,6. Cet écart s’explique par la crédibilité du dispositif et sa capacité à générer des impacts visibles sur le territoire. Pour une entreprise française exerçant exclusivement sur le territoire national, financer un projet local de boisement ou de reconstitution forestière s’inscrit plus naturellement dans la cohérence de sa chaîne de valeur.

Pour les ETF, ce financement complémentaire permet de :

  • sécuriser leurs activités ;
  • investir dans des équipements modernes ;
  • expérimenter des méthodes sylvicoles innovantes comme la diversification des essences ;
  • renforcer leur compétitivité face aux aléas climatiques.

En soutenant ces entreprises, le LBC contribue directement à maintenir une activité locale qualifiée et non-délocalisable.

👉 Article à lire en complément : Comment fait-on pour comptabiliser les crédits carbone ?

Co-bénéfices sociaux : emploi, ancrage territorial, transmission des savoir-faire

Le Label Bas-Carbone ne se limite pas au carbone. Ses projets produisent de nombreux co-bénéfices sociaux et environnementaux.

Création et maintien d’emplois ruraux

Les projets forestiers labellisés nécessitent une main-d’œuvre locale pour la plantation, l’entretien et le suivi. Cela représente des emplois qualifiés, non délocalisables, un atout essentiel pour l’équilibre économique et social des territoires ruraux.

Renforcement du tissu économique local

Le caractère « franco-français » du LBC garantit que les financements restent sur le territoire. Cela crée de nouveaux circuits courts économiques : propriétaires forestiers, ETF, collectivités et entreprises locales travaillent ensemble pour atteindre les objectifs climatiques. Ce mécanisme contribue à renforcer la résilience des territoires ruraux.

Transmission et valorisation des savoir-faire

Le LBC récompense les pratiques forestières durables, qu’elles soient traditionnelles (balivage – une méthode émergente), ou innovantes (sylviculture à couvert continu – également présentée comme une méthode émergente).

En donnant une valeur économique à ces méthodes, il favorise la transmission intergénérationnelle des compétences et rend les métiers forestiers plus attractifs. Cela améliore l’image de la profession et attire de nouveaux talents.

 

Conclusion : vers une meilleure reconnaissance des co-bénéfices sociaux ?

En quelques années, le Label Bas-Carbone est devenu un outil incontournable de la transition écologique française. Son originalité réside dans sa double capacité à :

  • Réduire les émissions et renforcer les puits de carbone.
  • tout en soutenant l’emploi rural, la vitalité économique locale et la transmission des savoir-faire forestiers.

Cependant, des marges de progression existent. Aujourd’hui, les co-bénéfices sociaux restent souvent considérés comme facultatifs. Pour maximiser l’impact du LBC, il serait nécessaire de :

  • Mieux mesurer et valoriser ces effets positifs.
  • Intégrer des critères sociaux plus robustes dans les méthodologies.
  • Renforcer la transparence des projets pour gagner la confiance du public.

Le défi climatique impose une approche globale : au-delà du carbone, il s’agit de bâtir une transition juste et équitable, où les territoires ruraux et leurs acteurs clés, comme les ETF, trouvent toute leur place. Le Label Bas-Carbone a ouvert la voie : il lui reste désormais à consolider sa dimension sociale pour devenir un véritable outil de développement durable intégré.

Sources de l’article :  

[1] – Ministère de la Transition Écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), 24 06 2025

[2] – Ministère de la Transition Écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche, Label Bas Carbone

[3] –  I4CE, PDF, Le Label Bas-Carbone : quel bilan après 6 ans d’existence ? juin 2025

[4] – France Bois Forêts, ETF : une profession dans la tourmente, 15 04 2022

[5] – Observatoire Economique, France Bois Forêts, Entreprises de Travaux Forestiers

[6] – Les Echos, Transition écologique : le label bas carbone, un outil de financement à améliorer, 02 06 2025

[7] – Contribution Neutralité Carbone, État des lieux de la compensation carbone vue de France, 2024

[8] – 1630 Conseils, pdf, Entreprises de travaux forestiers : quels profils à l’avenir, juin 2021

Ressources

Le Label Bas-Carbone : un levier pour l’emploi rural et la filière forestière

La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un objectif inscrit dans la loi Énergie-Climat et décliné à travers sa Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC)1. Pour y parvenir, les territoires ruraux et forestiers deviennent des acteurs essentiels de la transition écologique, en misant notamment sur la séquestration du CO₂. Depuis 2018, le Label Bas-Carbone (LBC) accompagne cette transformation en finançant, via des crédits carbone, des projets locaux de réduction et de stockage des émissions. Parmi les bénéficiaires clés, les Entreprises de Travaux Forestiers (ETF) assurent la gestion durable des forêts et contribuent à l’économie locale, tout en préservant la santé des écosystèmes.

Lire la suite »
Ressources

Tourbières : puits de carbone et sanctuaires de biodiversité

Longtemps considérées comme des terres stériles, les tourbières ont été drainées, comblées ou exploitées au nom du progrès agricole et industriel. Ces paysages brumeux, à la beauté discrète, ont peu à peu disparu des cartes, emportant avec eux un patrimoine écologique d’une richesse insoupçonnée.

Aujourd’hui, face au dérèglement climatique et à la perte accélérée de biodiversité, ces milieux longtemps oubliés suscitent un regain d’intérêt . Véritables réservoirs de carbone et refuges pour de nombreuses espèces, les tourbières apparaissent comme des alliées incontournables dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Lire la suite »
Ressources

Dévastée par une tornade, la forêt de Saint-Nicolas de Bourgueil retrouve vie petit à petit

Nichée au cœur de l’Indre-et-Loire, la forêt de Saint-Nicolas de Bourgueil a été durement frappée en 2021 par le passage d’une tornade. Compte tenu de la violence de l’épisode, avec des vents estimés entre 175 et 220 km/h, et de l’ampleur des dégâts infligés aux écosystèmes — près de 2 200 hectares dévastés — la mairie a souhaité engager un projet de restauration de cette forêt gravement endommagée. Dans ce contexte, EDF DPNT a cofinancé un projet de reboisement de 31 hectares, développé par Oklima, en collaboration avec l’ONF (Office National des Forêts).

Lire la suite »
Ressources

Les friches agricoles en France : un défi territorial à transformer en opportunité

La France est confrontée à une augmentation significative des friches agricoles, témoins d’une déprise rurale liée à l’abandon prolongé de certaines terres. Ces espaces inactifs, souvent peu ou plus entretenus, soulèvent des enjeux majeurs en matière d’aménagement du territoire, de biodiversité et de transition écologique.

Loin d’être de simples zones délaissées, les friches agricoles représentent une opportunité stratégique pour repenser l’usage des sols. Elles se situent au croisement d’enjeux économiques, sociaux et environnementaux, et appellent à des solutions innovantes.

Lire la suite »