Mise en œuvre de la CSRD : source d’opportunités pour la biodiversité ?

En déclin depuis plusieurs années en raison des activités humaines, la biodiversité, qui se définit comme la variété des espèces vivantes et des écosystèmes et leur relation, est récemment devenue un enjeu central des débats environnementaux, financiers et sociaux. En effet, une récente étude de la Banque Centrale Européenne (BCE) révèle que 75 % des prêts accordés sont destinés à des entreprises dont la dépendance à la biodiversité est cruciale [1].

Si son érosion représente  une menace pour les écosystèmes, les entreprises n’en resteront pas moins épargnées et risquent de subir inévitablement les effets. Le rôle à jouer par ces dernières est à présent déterminant au vu de l’ampleur de l’urgence. En témoigne, un récent rapport de la WWF sur l’effondrement des populations d’animaux vertébrés sauvages de 73 % [2].

Dans ce contexte, la mise en œuvre de la CSRD – Corporate Sustainability Reporting Directive – a permis de mettre la biodiversité sur le même piédestal que le climat. Longtemps resté au second plan, la récente prise en compte de la biodiversité, notamment, à l’occasion de la signature de l’accord de Kunming Montréal en 2022 [3] a permis de se doter d’un cadre mondial visant à préserver les écosystèmes. En effet, il est fondamental de régénérer rapidement la biodiversité si l’on souhaite rétablir le climat.

Bien que la réglementation sur la restauration de la biodiversité semble répondre à l’ampleur des enjeux, sa mise en œuvre nécessite, pour les entreprises, de surmonter plusieurs défis: fixer des objectifs cohérents et élaborer des mesures concrètes. 

À l’aube de la tenue de la COP16 biodiversité à Cali (Colombie), découvrez comment votre mise en conformité se révélera porteuse d’opportunités pour la biodiversité et le climat.  

Qu’est-ce que la CSRD ? 

Instaurée par l’Europe, la CSRD fixe de nouvelles normes et obligations en matière de reporting extra-financier des entreprises depuis le 1er janvier 2024.

Alignée sur les objectifs de neutralité carbone du Pacte Vert (Green Deal) et  succédant à la NFRD (Non-Financial Reporting Directive), cette directive vient amorcer un virage beaucoup plus pointu en vue de tenir les engagements dans la lutte contre le dérèglement climatique et maintenir une trajectoire se limitant à une augmentation des températures à 1,5 °C.

En effet, la CSRD marque une nette accélération dans l’engagement des entreprises dans la lutte contre le dérèglement climatique en élargissant le périmètre des entreprises concernées. Là où la NFRD concernait uniquement 11 700 entreprises, ce sont désormais plus de 50 000 entreprises, d’ici 2026, qui devront fournir un rapport extra-financier. En France, environ 8 000 organisations [4] sont concernées par cette directive.

Portant de grandes ambitions, cette directive a pour objectif d’harmoniser les données ESG disponibles en vue de disposer d’une base commune permettant la comparaison des différents modèles et stratégies mis en place par les entreprises.

Pour les autorités régulatrices cela permettra d’identifier à termes les entreprises les plus disciplinées en la matière. Pour les entreprises, cela signifie davantage de transparence dans leurs processus et dans la divulgation de données extra-financières.

Encourageant les entreprises à évaluer leurs impacts, dépendances et risques, ce nouveau cadre incite davantage les organisations à mettre en place une stratégie de décarbonation efficace, qui passe notamment par la réduction de leurs émissions, mais, également, par la contribution à la sauvegarde et à la restauration des écosystèmes, des communautés locales et de la biodiversité.

Les normes ESRS

Les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) sont un ensemble de règles qui ont pour objectif de donner aux entreprises davantage de précisions sur les données à publier en matière de reporting. Au nombre de douze, ces normes concernent les trois piliers ESG ainsi que deux normes transversales.

Parmi celles-ci cinq d’entre elles concernent l’environnement :

➡️ESRS E1 – Changement climatique : revient sur l’impact d’une entreprise sur le dérèglement climatique et les moyens et actions qu’elle compte mettre en place pour y remédier et réduire ses émissions.

➡️ESRS E2 – Pollution : concerne l’impact d’une entreprise sur la pollution de l’eau, de l’air et des sols. Elle vise à prendre des mesures pour réduire son impact sur ces éléments.

➡️ESRS E3 – Ressources aquatiques et marines : s’intéresse aux ressources en eau, à leur utilisation par les entreprises, à son recyclage ainsi qu’à la préservation des écosystèmes aquatiques.

➡️ESRS E4 – Biodiversité et écosystèmes : se concentre sur l’habitat des espèces ainsi que la faune et la flore. Elle examine les facteurs d’érosion de la biodiversité, évalue l’état des espèces et des écosystèmes, et souligne  les dépendances vis-à-vis des services écosystémiques.

➡️ESRS E5 – Utilisation des ressources et économie circulaire : précise l’entrée et la sortie des ressources, la durabilité des approvisionnements et les questions de recyclabilité des produits.

Pour l’ensemble de ces normes, l’entreprise devra présenter un plan de transition tenant compte de l’intégralité de sa chaîne de valeur, la temporalité (à court, moyen et long terme), des régions géographiques concernées par ses activités et des parties prenantes. À terme, elle sera tenue d’adapter sa stratégie et son modèle économique.

Comment la CSRD rebat les cartes de la biodiversité ? 

Identifiée sous la norme ESRS E4, la biodiversité et les écosystèmes ont désormais un rôle officiellement établi au sein des reportings ESG. Elle implique pour les entreprises une analyse claire et précise de leur dépendance à la biodiversité et aux écosystèmes, donnant lieu à une surveillance de leurs impacts ainsi qu’à une meilleure prise en compte de la gestion des risques et une identification des opportunités.

À travers la définition d’une stratégie et d’objectifs clairs, la norme ESRS E4 fournit les outils nécessaires aux entreprises afin qu’elles deviennent actrices de la préservation de la biodiversité en atténuant les pressions exercées sur la nature et son écosystème.

À ce titre, elle invite les entreprises à prendre conscience de leur dépendance aux écosystèmes en mettant en place un plan d’action intégrant les multiples interactions entre la biodiversité et son écosystème. Cela implique également de considérer la biodiversité dans l’analyse des autres normes ESRS. Par exemple, les entreprises devront préciser dans les normes sociales (ESRS S) comment leurs activités impactent les communautés locales qui dépendent directement des écosystèmes.

Des objectifs à la hauteur de l’enjeu

À présent au cœur des leviers d’action à disposition des entreprises, la biodiversité doit se doter d’objectifs SMART. Pour cela, il sera nécessaire d’analyser les pressions exercées sur les écosystèmes, de localiser les lieux d’interaction avec ces derniers et de se doter d’outils de mesure.

Les entreprises doivent également composer leur rapport en se fondant sur l’analyse de la double matérialité de la biodiversité. Elles doivent à la fois mesurer et communiquer :  

  • La matérialité d’impact 
  • La matérialité financière

Cette analyse vise à déterminer pour les organisations les contributions, les risques et les opportunités à travers 4 objectifs généraux définis par l’ESRS E4 :

  • Identifier les facteurs d’érosion de la biodiversité ;
  • l’impact sur l’état des espèces ;
  • les impacts sur l’étendue et l’état des écosystèmes ;
  • les impacts et dépendances vis-à-vis des services écosystémiques.

Les entreprises devront divulguer des informations sur les politiques et actions mises en place ainsi que les investissements menés en faveur de la restauration et préservation de la biodiversité.

Pourquoi agir pour la biodiversité ?

Bien que certains secteurs tels que l’agroalimentaire, la cosmétique ou encore l’industrie pharmaceutique soient directement concernés par la biodiversité, l’ESRS E4 s’adresse à toutes entreprises ayant recours de près comme de loin aux écosystèmes. Elles ont, d’ailleurs, tout intérêt à prendre conscience du lien entre la bonne santé de la biodiversité et la pérennité de leurs activités, car nombre d’entre elles dépendent des services écosystémiques, à savoir l’approvisionnement en eau, en bois ou en culture, par exemple.

Et pour cause, un récent rapport de la BCE rappelle l’importance de la biodiversité au regard de notre économie. À ce jour, 72 % des entreprises exerçant dans la zone euro, soit environ 3 millions d’organisations, « dépendent de manière critique des services écosystémiques et seront confrontées à d’importants problèmes économiques en raison de la dégradation des écosystèmes » [5] .

Une inconsidération de la biodiversité entrainerait une instabilité financière dont les conséquences pourraient être désastreuses. En effet, une telle situation pourrait conduire à l’accélération de l’inflation pour bon nombre d’acteurs économiques, en commençant par les secteurs clés tels que l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire ou la cosmétique.

Il est donc essentiel pour les entreprises de faire dès à présent de la biodiversité un atout, notamment afin d’anticiper la réglementation, mais également de sécuriser leurs chaînes d’approvisionnement en matières premières, favoriser l’innovation et développer des activités, embarquer leurs parties prenantes et consommateurs. Selon, un sondage réalisé par l’Observatoire de la matérialité, en 2019, 52 % des Français souhaitent que les entreprises s’engagent davantage sur l’environnement et le climat [6].

De plus, l’inaction face à la crise de la biodiversité compromettrait l’essentiel des services offerts par la nature, tels que la photosynthèse, la pollinisation et les puits de carbone. Si la nature est empêchée de rendre ces services, les conséquences pourraient être désastreuses En effet, une biodiversité en meilleure état facilite la séquestration des émissions de gaz à effet de serre, influant ainsi sur le climat. D’ailleurs, on sait à présent que les actions sur la biodiversité ont des conséquences positives sur le climat.

Les écosystèmes appauvris ne peuvent jouer leur rôle de réservoir qui permet la régulation, au quotidien, du climat et le maintien de l’équilibre et du développement de la vie sur la Terre.

Il est nécessaire de travailler simultanément sur ces deux piliers : climat et biodiversité.

Comment implémenter la biodiversité dans votre stratégie de décarbonation ?

Imaginée à la suite de la tenue de la COP 15 sur la biodiversité, la CSRD est l’occasion de construire une trajectoire biodiversité résiliente dans le cadre d’une stratégie globale de décarbonation.

L’accord-cadre Kunming Montréal a posé la première pierre sur la scène internationale pour les entreprises. Selon l’accord, 23 objectifs sont à déployer d’ici  2030. Pour les entreprises, cet accord implique de rendre public leurs impacts et dépendances vis-à-vis de la biodiversité via la CSRD, de les réduire et d’augmenter le recours à des pratiques plus respectueuses de la biodiversité.

En France, la stratégie nationale biodiversité, qui découle de la COP15, donne un premier cadre aux entreprises. Elle encourage ces dernières à mettre en place des mesures concrètes en se tournant vers des solutions visant la protection des écosystèmes.  

Dans ce contexte, les entreprises sont amenées à développer des initiatives en faveur de la biodiversité  respectant les Objectifs de Développement Durable (ODD). Les organisations peuvent, par exemple, limiter leur utilisation des ressources naturelles, en achetant des matières premières certifiées (comme le bois certifié FSC), ou encore favoriser la mise en place de pratiques durables telles que la contribution à des projets de restauration des écosystèmes.

En intégrant la biodiversité dans leur stratégie RSE, les entreprises peuvent préserver l’environnement tout en renforçant la résilience et la durabilité de leurs activités, répondant ainsi aux attentes grandissantes des consommateurs et des parties prenantes en matière de responsabilité écologique.

Comment Oklima peut vous accompagner ?

Partenaire privilégié des entreprises engagées, Oklima, filiale du Groupe EDF et experte en préservation et en restauration des écosystèmes accompagne les entreprises dans leur démarche RSE en leur proposant des projets en France et à l’international en faveur de la biodiversité.

Notre équipe composée entre autres d’écologues et d’agronomes vous apportera un soutien dans l’identification de projets bas carbone favorisant la biodiversité, en lien avec votre chaine de valeur.

Ressources

Projets de séquestration Vs évitement : quelle est la différence ?

Principale cause du dérèglement climatique, le CO₂ ou dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre posant des défis majeurs. Et pour cause, ce gaz, dont les niveaux ne cessent d’augmenter dans l’atmosphère, exacerbe l’effet de serre naturel, entrainant notamment la hausse des températures et l’augmentation du niveau de la mer.

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Notes de référence

[1] Banque Centrale Européenne : Economic and financial impacts of nature degradation and biodiversity loss

[2] WWF : Rapport Planète Vivante 2024

[3] ONU : Cadre mondial de la biodiversité de Kunming à Montréal

[4] Carbone 4 : Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) : Qui est concerné, et à quelle échéance ?

[5] Novethic : COP16 : la BCE alerte sur l’impact de l’érosion de la biodiversité sur l’économie 

[6]  Office Français de la biodiversité : Faire de la biodiversité un atout pour son entreprise

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