Les bombes carbone : point noir dans la lutte contre le dérèglement climatique

En France et dans le monde, les bombes carbone, projets énergétiques massivement polluants, exacerbent la crise du réchauffement climatique. Également appelées « bombes climatiques », ces réserves de gaz à effet de serre piégées dans le sol représentent une menace directe pour le climat. 

Ces projets d’extraction de combustibles fossiles seraient responsables de milliards de tonnes d’émissions de CO2, mettant en péril les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris. Ces derniers visent à limiter le réchauffement climatique en dessous de 2°C, de préférence à 1,5°C, par rapport aux niveaux préindustriels.

Le dernier rassemblement de la COP 28 à Dubaï [1] a suscité des discussions approfondies sur la nécessité pour les nations de s’engager à se détourner des combustibles fossiles, tout en respectant les promesses de réduction des émissions de dioxyde de carbone.

Penser le « monde d’après » constitue donc une nécessité pour coordonner les actions, les adapter et gagner du temps dans la course contre la montre qu’est la lutte contre le dérèglement  climatique.

Cet article explore la nature de ces bombes carbone, leurs implications climatiques et leurs impacts sur la transition écologique, tout en soulignant l’urgence d’agir face à ce problème global. À l’approche des échéances critiques fixées par l’Accord de Paris pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici à 2030, il est fondamental de comprendre comment les directions RSE peuvent jouer un rôle essentiel pour inverser cette tendance et éviter des conséquences environnementales catastrophiques.

Qu’est-ce qu’une bombe carbone ?  

Face à l’urgence climatique, il est impératif pour les entreprises et les responsables RSE de comprendre la nature des bombes carbone et les conséquences de leur exploitation sur les objectifs de durabilité globale.

Les « bombes carbone » sont des gisements dont l’exploitation libérerait des quantités considérables de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, contribuant au réchauffement climatique et menaçant l’équilibre du climat mondial.

Ces projets comprennent principalement l’extraction et l’utilisation d’énergies fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Leur impact sur le climat serait colossal, compromettant les efforts mondiaux pour limiter le réchauffement climatique.

Une étude réalisée en 2023 par un groupe de chercheurs a recensé 425 projets de bombes carbones à travers le monde, totalisant environ 1 200 milliards de tonnes de CO2.

Selon cette étude sur ces 425 bombes à carbone identifiées dans le monde, environ 45 % sont alimentées par du charbon et 55 % par des hydrocarbures. Parmi elles, 295 sont actuellement opérationnelles et 130 autres sont en cours de construction. Si toutes ces installations fonctionnaient comme prévu, elles pourraient potentiellement émettre plus de 1 000 gigatonnes (Gt) de CO2. Cette quantité dépasse de loin la limite du budget carbone d’environ 500 Gt nécessaire pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de +1,5°C d’ici l’année 2100, tel qu’établi dans l’Accord de Paris[2].

En effet, ces 1200 gigatonnes de CO2 représentent plus du double du budget carbone restant pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, selon les dernières recommandations du GIEC, publiées en 2023[3]. Ce budget carbone a été déterminé sur la base des conclusions du rapport spécial du GIEC, publié en 2018, sur la hausse de 1,5°C et du rapport Net Zero Emissions in 2050 de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) publié en avril 2021[4].

Le réchauffement de la planète atteindra 1,5 °C au début des années 2030

La publication du 6e rapport de synthèse du GIEC prévoit que, quels que soient les scénarios d’émissions, le réchauffement de la planète atteindra 1,5 °C au début des années 2030. Pour atteindre l’objectif de température moyenne comprise entre 1,5°C et 2°C, il faudra accélérer et intensifier la réduction des gaz à effet de serre, notamment en ramenant à zéro les émissions nettes de CO2 au niveau mondial et en réduisant considérablement  les autres émissions de gaz à effet de serre, dont les hydrofluorocarbures, le méthane et le protoxyde d’azote.

Les mesures recommandées par l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE)

Dans un commentaire [5] publié le 30 novembre 2023, le directeur exécutif de l’AIE, Fatih Birol, souligne « cinq mesures interdépendantes » à mettre en œuvre pour “maintenir la porte ouverte à une trajectoire 1,5 °C”.

  1. Tripler les capacités électriques renouvelables installées dans le monde.
  2. Doubler le rythme des progrès en matière d’efficacité énergétique.
  3. Engager l’industrie des combustibles fossiles à aligner leurs activités sur l’Accord de Paris.
  4. Établir des mécanismes de financement à grande échelle pour les énergies propres.
  5. Garantir une réduction systématique de l’utilisation des combustibles fossiles, cesser d’autoriser les nouvelles centrales à charbon qui n’intègrent pas de technologie de capture du CO2.

Pourtant, bien que l’Accord de Paris vise à limiter l’augmentation des températures globales, de nombreux pays continuent de soutenir des projets énergétiques basés sur les combustibles fossiles, compromettant ainsi les objectifs climatiques mondiaux.

La cartographie des bombes carbone

Deux associations françaises, « Data for Good »[6] et Eclaircies[7] ont détaillé une cartographie détaillant les emplacements de ces bombes carbone au public en 2022.

Le site internet Carbonbombs.org[8] permet de visualiser ces bombes carbone, leurs emplacements et les acteurs impliqués.

Cette carte révèle que la majorité des bombes carbone se trouvent aux États-Unis, en Chine et dans les pays du Golfe, qui figurent parmi les plus importants contributeurs aux émissions de CO2. Ces émissions massives de CO2, en partie responsables de la crise climatique, s’explique par  la forte dépendance de ces pays aux combustibles fossiles. La concentration de ces bombes carbone dans ces régions met en évidence l’urgence de mettre en place des politiques plus strictes et des mesures visant à réduire les émissions tout en promouvant des sources d’énergie plus durables.

Émissions potentielles de CO2, source image Sciencedirect[9]

Impact et conséquences des bombes climatiques  

Le maintien et l’expansion des bombes carbone rendent impossible la limitation du réchauffement climatique à 1,5°C, augmentant ainsi les risques de catastrophes environnementales et de pertes humaines massives.

Les conséquences désastreuses des bombes climatiques seraient multiples, touchant, ainsi, divers aspects de notre planète, de la biodiversité aux phénomènes météorologiques extrêmes, parmi elles :

Augmentation des températures : l’exploitation des bombes carbone entraînerait une libération massive de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, contribuant ainsi à l’augmentation des températures globales. Selon le rapport du GIEC, si ces projets sont menés à terme, les températures mondiales pourraient augmenter de 2 à 3 degrés Celsius, soit bien au-delà de l’objectif de 1,5°C fixé par l’Accord de Paris. Cette augmentation des températures créerait des vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, mettant en danger la santé humaine et des divers écosystèmes.

Élévation du niveau de la mer : le réchauffement climatique causé par les bombes climatiques pourrait entraîner une élévation significative du niveau de la mer. Selon les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), si les tendances actuelles se poursuivent et que les réserves de gaz à effet de serre sont pleinement exploitées, le niveau de la mer pourrait augmenter de 0,5 à 1 mètre d’ici 2100. Cette élévation du niveau de la mer aurait des conséquences dévastatrices pour les régions côtières, augmentant le risque d’inondations massives, d’érosion des côtes, et de perte de terres habitables. Environ 680 millions de personnes vivent actuellement dans des zones côtières à faible altitude qui pourraient être directement menacées par ces changements.

Impact sur la biodiversité : les changements climatiques provoqués par les bombes carbones pourraient avoir un impact catastrophique sur la biodiversité mondiale. Selon les évaluations du GIEC et d’autres études scientifiques, environ 20 à 30 % des espèces animales et végétales[10] pourraient être menacées d’extinction si les températures mondiales augmentent de 1,5°C à 2°C.

Des études spécifiques estiment que jusqu’à 1 million d’espèces[11] pourraient être à risque à l’échelle mondiale d’ici 2050 en raison de la perte d’habitat, des migrations forcées et des changements dans les écosystèmes. La destruction de ces habitats naturels compromettrait également des écosystèmes vitaux pour les humains, tels que les forêts tropicales, les récifs coralliens, et les zones humides, essentiels pour la régulation du climat, la qualité de l’air et l’approvisionnement en eau.

Événements météorologiques extrêmes : l’augmentation des températures à la surface de la mer aurait pour conséquences d’intensifier les cyclones tropicaux et les tempêtes, augmentant ainsi la fréquence et l’intensité des événements météorologiques extrêmes tels que les ouragans, les inondations et les périodes de sécheresse.

Rareté des ressources en eau : pour finir, le changement climatique causé par les bombes carbone aurait des répercussions sévères sur les ressources en eau douce. Selon les estimations de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de la Banque mondiale, environ 1,8 milliard de personnes pourraient vivre dans des zones de stress hydrique sévère d’ici 2050, ce qui représenterait près de 52 % de la population mondiale[12].

Les perturbations des cycles hydrologiques entraînées par l’augmentation des températures et les changements dans les régimes de précipitations pourraient réduire les ressources en eau douce disponibles de 20 à 30 % dans certaines régions, selon des projections climatiques. Par exemple, en Méditerranée et au Moyen-Orient, les réserves d’eau douce pourraient diminuer de jusqu’à 50 % d’ici la fin du siècle si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter comme prévu.

Ces réductions de ressources en eau exacerberaient les défis liés à l’agriculture, compromettant la sécurité alimentaire et augmentant la concurrence pour les ressources limitées. Elles auraient également des conséquences graves pour la santé humaine, aggravant les conditions de vie dans les régions déjà vulnérables aux pénuries d’eau. En conséquence, l’impact des bombes carbone sur les ressources en eau représente une menace significative pour la stabilité et le bien-être des communautés à l’échelle mondiale.

Comment agir contre les bombes carbone ?

Pour contrer les bombes carbone, il est urgent non seulement d’informer le grand public, mais surtout de mobiliser rapidement toutes les parties prenantes. Les entreprises jouent un rôle central dans cette lutte en réduisant leurs propres émissions de CO2 et en investissant activement dans des solutions innovantes, mais également dans la restauration et la préservation de puits de carbone et de biodiversité. Cependant, pour de nombreuses directions RSE, ces investissements sont souvent perçus comme secondaires ou non indispensables par rapport à la simple réduction des émissions.

Il est donc essentiel de dépasser cette vision limitée : investir dans des technologies propres et des pratiques durables n’est pas seulement un choix stratégique, mais une
nécessité pour atteindre les objectifs climatiques globaux.

En effet, les entreprises doivent non seulement réduire leurs émissions, mais aussi adopter des solutions innovantes pour minimiser leur impact environnemental de manière plus substantielle. En intégrant ces investissements dans leurs stratégies à long terme, elles pourront faire une différence significative dans la lutte contre le dérèglement climatique. En outre, les entreprises auront la capacité d’exercer une influence considérable sur leurs partenaires et concurrents.

Ainsi, en adoptant des pratiques exemplaires et en investissant dans des solutions bas carbone, elles peuvent inciter d’autres entreprises à suivre leur exemple, créant ainsi un effet d’entraînement essentiel pour accélérer la transition vers une économie durable.

Inverser la tendance pour réduire l’empreinte carbone   

Les entreprises peuvent jouer un rôle déterminant dans la promotion de pratiques plus durables et la réduction des bombes carbone.

À l’échelle mondiale, ces entreprises ont la capacité d’adopter des pratiques et des politiques permettant de :

➡️Réduire les émissions en optimisant leurs processus de production, en améliorant l’efficacité énergétique de leurs installations et en favorisant l’utilisation de sources d’énergie renouvelables.

➡️Financer des projets de contribution carbone et des technologies propres qui permettent de réduire les émissions de CO2 dans leurs opérations, telles que la capture et le stockage du carbone, les énergies renouvelables et les transports à faible émission.

➡️Inciter leurs fournisseurs et partenaires commerciaux à adopter des pratiques durables, en favorisant l’utilisation de matières premières durables, en réduisant les déchets et en minimisant les émissions tout au long de la chaîne d’approvisionnement.

➡️Promouvoir la transparence et la responsabilité : en rendant compte de leurs émissions de gaz à effet de serre et de leurs initiatives de réduction de manière transparente, les entreprises peuvent renforcer la confiance des parties prenantes et les inciter à soutenir leurs efforts de lutte contre le dérèglement climatique.

Responsabilité et rôle des entreprises 

Le rôle des directions RSE des entreprises

Les professionnels de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ou Directions Impact, sont au cœur de cette transformation. Ils doivent, donc, adopter des stratégies alignées sur des cadres internationaux comme la Net Zero Initiative [13] pour guider leurs actions en faveur du climat, de la biodiversité et des sociétés.

La Net Zero Initiative

La Net Zero Initiative (NZI) propose un cadre pour aider les entreprises à contribuer à l’atteinte  de la neutralité carbone globale. Elle repose sur trois piliers :

  1. La réduction des émissions de GES : mesurer et réduire les émissions directes et indirectes.

  2. La réduction des émissions des autres acteurs : promouvoir des solutions à faibles émissions et soutenir des projets externes de réduction des émissions.

  3. L’augmentation des puits de carbone : accroître les capacités d’absorption du carbone via des projets de reforestation ou des technologies de capture et de stockage du carbone.

Un appel à l’action collective

La lutte contre les bombes climatiques nécessite une action collective et concertée. Les entreprises doivent collaborer avec les gouvernements, les institutions financières et les ONG en vue de  réduire les émissions de gaz à effet de serre et promouvoir des pratiques durables, indispensables pour inverser la tendance du réchauffement climatique.

En adoptant des pratiques durables et en mettant en œuvre des politiques environnementales responsables, les directions RSE  pourront contribuer de manière significative à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la transition vers une économie plus durable.

Agir avec Oklima pour la neutralité carbone globale

La neutralité carbone, entendue comme « zéro émission nette », est une ambition mondiale qui dépasse les capacités d’une seule entreprise. Les professionnels de la RSE jouent un rôle essentiel dans cette quête globale pour la neutralité climatique.
Leur mission inclut l’engagement actif des parties prenantes, la promotion inébranlable de la transparence à tous les niveaux, et la mise en avant d’actions concrètes basées sur des objectifs réalistes et ambitieux.

Oklima, filiale du Groupe EDF, se distingue par son expertise en contribution carbone de qualité. Nous accompagnons les entreprises dans leurs démarches, en proposant des projets alignés avec leurs chaînes de valeur, en France et à l’international.

Ressources

Projets de séquestration Vs évitement : quelle est la différence ?

Principale cause du dérèglement climatique, le CO₂ ou dioxyde de carbone est un gaz à effet de serre posant des défis majeurs. Et pour cause, ce gaz, dont les niveaux ne cessent d’augmenter dans l’atmosphère, exacerbe l’effet de serre naturel, entrainant notamment la hausse des températures et l’augmentation du niveau de la mer.

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Notes de référence

[1] United Nations Climate Change : La COP 28 s’ouvre à Dubaï appelant à l’accélération de l’action climatique et à une plus grande ambition face à l’escalade de la crise climatique

[2] Accords de Paris 

[3] Rapport du GIEC sur le changement climatiquePublication du 6e rapport de synthèse du GIEC

[4] Connaissance des Énergies : L’AIE détaille les implications d’un scénario de neutralité carbone à l’horizon 2050 

[5] Dr Fatih Birol, Directeur Exécutif de l’Agence Internationale de l’Energie : Que doit faire la COP28 pour maintenir la température de 1,5 °C à portée ? Voici les cinq critères de réussite de l’AIE 

[6]  Association Data for Good

[7] Eclaircies.com

[8] Site Carbonbombs.com

[9] Carte Carbon bombs, Sciencedirect

[10] Ministère de la Transition Écologique et des Territoires : La biodiversité : victime et solution du changement climatique

[11]  Ministère de la Transition Écologique et des Territoires : Érosion de la biodiversité, la France face aux 9 limites planétaires

[12] Nations Unies : L’eau et les changements climatiques

[13] Carbone 4 : Net Zero Initiative 

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